#9 Histoire de la Photographie n°1 : Le Portrait.
Histoire de la photographie #1 : le genre du portrait à travers les collections des AD82
L'équipe des Archives vous invite à découvrir le genre du portrait en photographie à travers une sélection d'images issues des fonds et collections conservés aux Archives départementales.
Des premiers essais photographiques réalisés en 1826 par Nicéphore Niépce (1765-1833) ou encore par Louis Jacques Mandé Daguerre (1787-1851), à l'annonce officielle de la découverte de ce nouveau procédé par François Arago (1786-1853) le 19 août 1839 devant l'Académie des sciences et des beaux-arts, la photographie n'a depuis sa naissance cessé d'évoluer du point de vue de sa technicité, mais aussi de ses usages dans la société.
Aux prémices de la photographie, les photographes alors appelés héliographes (ceux qui écrivent avec la lumière) se concentrent essentiellement sur l'aspect technique de ce nouveau médium. L'heure est aux expérimentations, il faut en premier lieu légitimer cette invention, démontrer au plus grand nombre les nombreuses possibilités qu'elle peut offrir. La dimension artistique viendra bien plus tard, avec notamment l'avènement du mouvement pictorialiste initié par le célèbre Robert Demachy (1859-1936).
Au XIXe siècle la photographie est un subtil mélange de technique optique et de chimie, chacun expérimente dans son atelier de nouvelles « recettes photographiques ». Comment fixer l'image de manière pérenne ? Quels produits utiliser pour diminuer le temps de pose ? Quel support utiliser ? Autant de questions qui se posent à ceux qui se frottent à cette nouvelle technique. La photographie est tout d’abord cantonnée au domaine de la nature morte, le temps de pose étant relativement long, il faut compter une trentaine de minutes en moyenne pour obtenir une image. Rappelons que la première image photographique produite par Nicéphore Niépce « Point de vue du Gras » en 1826, a nécessité une journée, voire plusieurs jours de temps de pose.
Nicéphore Niépce « Point de vue du Gras », 1826
Le procédé daguerréotype à partir de 1840 apporte une réelle amélioration et offre dés lors de plus grandes possibilités : Le temps de pose diminue considérablement, on peut maintenant obtenir une image nette et précise en seulement une minute.
Daguerréotype, Jules Momméja dans les bras de sa mère, 1854 (?).
105 J 274 - Fonds Neveu-Boscus © Archives départementales de Tarn-et-Garonne.
C'est dans cette vague de modernisation et de perfectionnement que va apparaître un nouvel usage de la photographie dans la société : le portrait. Parmi les premiers portraits connus nous pouvons citer celui d'Hippolyte Bayard (1801-1887) « Autoportrait en Noyé » datant de 1840 - considéré comme la première mise en scène photographique de l'histoire - ainsi que le portrait d'Honoré de Balzac réalisé par Louis-Auguste Bisson (1814-1876) dans son atelier parisien en 1842.
Hippolyte Bayard, Autoportrait en Noyé, 1840.
© Société Française de Photographie
Louis-Auguste Bisson, Portrait d'Honoré de Balzac, 1842.
© Photo RMN-Grand Palais (Institut de France) - Gérard Blot
Genre iconographique très répandu en peinture, toutefois essentiellement réservé à l'élite et aux grandes familles bourgeoises, les codes et l'usage du portrait prennent une toute autre dimension avec la démocratisation de la photographie, désormais le portrait devient accessible à une plus grande partie de la population dans la seconde moitié du XIXe siècle.
C'est d'abord à Paris que les premiers studios photographiques fleurissent. Le photographe français Eugène Disdéri (1819-1889) révolutionne la pratique du portrait grâce à son invention : le portrait-carte, dont il dépose le brevet en 1854. Sa volonté est d'élargir la clientèle des ateliers de portraits. En effet, le procédé du daguerréotype reste très coûteux et ne permet d'obtenir qu'un seul exemplaire ; à l' inverse, le portrait-carte autorise la reproductibilité des images, il offre la possibilité de réaliser plusieurs tirages à partir d'une seule et même photographie.
Eugène Disdéri, Marquise d'Audiffret-Pasquier et son enfant, 1857.
© Bibliothèque Nationale de France
Véritable phénomène de société, les studios sont alors pris d'assaut par la population, de longues files d'attentes s'étirent devant les ateliers. S'échanger des cartes de visites, collectionner des portraits de personnes illustres, constituer des albums photographiques devient une vogue et fait maintenant partie des pratiques sociales. Cet engouement pour la représentation de soi est critiqué par l'écrivain Baudelaire « société immonde [qui] se rua, comme un seul Narcisse, pour contempler sa triviale image sur le métal ».
Progressivement, des ateliers voient le jour un peu partout sur le territoire et en province. La ville de Montauban et le département de Tarn-et-Garonne comptent également des studios photos où les habitants viennent se faire photographier. C'est ainsi que des photographes montalbanais comme Achille Bouis (1833-1914) rue du Vieux Poids (il a eu plusieurs ateliers), J.Dutil rue porte du Moustier, A. Charton situé rue des Cordeliers, E. Galinou rue de la République, Jean Cassan (dit K 100), Emile Morin ou encore
G. Salvané avenue de Mayenne - pour n'en citer que quelques-uns - proposent leurs services aux Tarn-et-Garonnais.
Même les moins fortunés peuvent alors se « faire tirer le portrait » : c’est bien moins onéreux qu'une peinture. On conserve toutefois l'esthétique de la mise en scène utilisée en peinture, avec un soin particulier appliqué au décor et à la pose du sujet. A l'occasion d'une communion, d'un mariage, d'une naissance, ou par simple curiosité, on fréquente en famille, en couple ou même seul les studios photographiques.
Portrait-carte recto-verso réalisé par Achille Bouis, début XIXe siècle, 3Fi 142. © Archives départementales de Tarn-et-Garonne.
Portrait-carte recto-verso réalisé par Achille Bouis, fin XIXe – début XXe siècle, 3Fi 140. © Archives départementales de Tarn-et-Garonne.
Portrait-carte recto-verso réalisé par Achille Bouis, fin XIXe – début XXe siècle, 3Fi 145 © Archives départementales de Tarn-et-Garonne.
Portrait-carte recto-verso réalisé par Jean Cassan, fin XIXe siècle, 3Fi 64. © Archives départementales de Tarn-et-Garonne.
Portrait-carte recto-verso réalisé par J. Dutil, début XXe siècle, 3Fi 165. © Archives départementales de Tarn-et-Garonne.
Portrait-carte recto-verso réalisé par A. Charton, début XXe siècle, 3Fi 168. © Archives départementales de Tarn-et-Garonne.
Portrait médaillon réalisé par G. Salvané, 1900-1910, 3Fi 138.
© Archives départementales de Tarn-et-Garonne.
Anonyme, 12Fi 28, négatif 13x18 sur plaque de verre, 1890-1914, collection photographique Larboderie et Vidailhac
© Archives départementales de Tarn-et-Garonne.
Anonyme, 12Fi 59, négatif 13x18 sur plaque de verre, 1890-1914, collection photographique Larboderie et Vidailhac.
© Archives départementales de Tarn-et-Garonne.
Emile Morin, 1num161-57, négatif 13x18 sur plaque de verre, 1890-1920, Collection photographique Flavio de Faveri.
© Archives départementales de Tarn-et-Garonne.
Emile Morin, 1num161-11, négatif 13x18 sur plaque de verre, 1890-1920, Collection photographique Flavio de Faveri.
© Archives départementales de Tarn-et-Garonne.
Emile Morin, 1num161-56, négatif 13x18 sur plaque de verre, 1890-1920, Collection photographique Flavio de Faveri.
© Archives départementales de Tarn-et-Garonne.
Emile Morin, 1num161-34, négatif 13x18 sur plaque de verre, 1890-1920, Collection photographique Flavio de Faveri.
© Archives départementales de Tarn-et-Garonne
Montauban n'est pas la seule ville du département à bénéficier de studios photographiques, des professionnels s'installent également dans d'autres communes. C'est le cas du photographe Jean Leygue et de la famille Violle dont les ateliers se trouvent à Moissac.
Portrait de plein pied réalisé par J. Violle, 1900-1910, tirage papier, 3Fi 74.
© Archives départementales de Tarn-et-Garonne.
Portrait carte recto-verso réalisé par Jean Leygue, fin XIXe – début XXe siècle, 3Fi 21.
© Archives départementales de Tarn-et-Garonne.
La photographie jusque-là réservée aux photographes professionnels commence tout doucement à se démocratiser et à tendre vers une pratique amateur. L'industrialisation du matériel - appareils photographiques produits à grande échelle, plaques de verres et solutions chimiques prêtes à l'emploi – rend cette pratique accessible au plus grand nombre.
De plus en plus de familles possèdent leur propre appareil photographique capturant ainsi des instants de vie saisis en dehors des codes classiques du portrait appliqués dans les studios. Moment heureux, intime, grande occasion, la photographie devient le témoin privilégié de la vie de famille.
18Fi 158, négatif 13x18 sur plaque de verre, 1930-1935, Fonds photographique I.D.D.E.E.S. © Archives départementales de Tarn-et-Garonne.
18Fi 181, négatif 13x18 sur plaque de verre, été 1935, Fonds photographique I.D.D.E.E.S. © Archives départementales de Tarn-et-Garonne.
18Fi 212, négatif 13x18 sur plaque de verre, 1930-1935, Fonds photographique I.D.D.E.E.S. © Archives départementales de Tarn-et-Garonne.
18Fi 165, négatif 13x18 sur plaque de verre, 1930-1935, Fonds photographique I.D.D.E.E.S. © Archives départementales de Tarn-et-Garonne.
Pour en savoir plus sur l'histoire de la photographie, nous vous conseillons quelques vidéos très bien construites et disponibles gratuitement en ligne en cliquant ICI
Quelques lectures également qui vous permettront d'aborder ce vaste sujet plus en détails :
AMAR Pierre-Jean, Les 100 mots de la photographie. Presses Universitaires de France, « Que sais-je ? », 2019, 128 p.
AMAR Pierre-Jean, Histoire de la photographie. Presses Universitaires de France, « Que sais-je ? », 2020, 128 p.
DENOYELLE Françoise, La lumière de Paris. Les usages de la photographie, 1919-1939, Tome 2, Paris, L’Harmattan, col. Champs visuels, 1997, 368 p.
FRIZOT Michel (dir.), Nouvelle histoire de la photographie, Paris, Larousse, 2001, 776 p.
GUNTHERT André, POIVERT Michel (dir.), L’art de la photographie. Des origines à nos jours, Paris, Citadelles & Mazenod, 2007, 620 p.
NORI Claude, La photographie en France. Des origines à nos jours, Paris, Flammarion, 2008, 320 p.
ROUILLE André, L’empire de la photographie 1839-1870, Paris, Le Sycomore, 1982, 216 p.
A bientôt pour une nouvelle histoire photographique !
En attendant, prenez soin de vous et de vos proches #RestezChezVous